En cas d’agression survenu alors que le risque a été porté à la connaissance de l’employeur, le salarié doit bénéficier du régime de la faute inexcusable « de droit » !
Cass. 2e civ., 08 juillet 2021, n°19-25.550. https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/deuxieme_chambre_civile_570/772_8_47496.html
La notion de « faute inexcusable de l’employeur » n’est pas définie dans la loi, mais par la jurisprudence : dans plusieurs arrêts du 28 février 2002 rendus à propos de salariés victimes de maladies professionnelles liées à l’amiante, la Cour de cassation a donné une nouvelle définition de cette notion, toujours en vigueur.
La notion de faute inexcusable est directement rattachée à l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur envers son salarié, en vertu du contrat de travail.
Le manquement à cette obligation – résultant du fait que le salarié a subi un accident du travail ou une maladie professionnelle – a le caractère d’une faute inexcusable, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Le.la salarié.e victime a intérêt à agir en justice aux fins de faire reconnaitre l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, de sorte à pouvoir obtenir une majoration de sa rente accident du travail/maladie professionnelle ainsi qu’une indemnisation complémentaire au titre de divers préjudices subis comme le préjudice esthétique, le préjudice causé par les souffrances physique et morale ou par la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle, etc.
Au niveau probatoire, c’est au salarié d’apporter la preuve du lien entre son accident du travail/sa maladie professionnelle, et la faute commise par l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité.
Démontrer cette preuve est loin d’être aisé.
La seule possibilité pour le salarié d’obtenir « de droit » la reconnaissance de sa faute inexcusable est lorsqu’il se situe dans le cadre des dispositions de l’article L.4131-4 du Code du travail, lequel dispose :
« Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité social et économique avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé. »
On parle ainsi de faute inexcusable de droit lorsque le salarié a été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, alors que lui-même ou un représentant élu au CSE avait signalé le risque à l’employeur.
Le présent arrêt offre une nouvelle illustration de la faute inexcusable de droit.
En l’espèce, dans un contexte de fortes tensions internes au sein de l’entreprise, un salarié a été victime d’une agression sur son lieu de travail, laquelle a été reconnue par la CPAM comme accident de travail.
Deux semaines avant l’agression, le salarié avait fait l’objet de menaces, prenant la forme d’un courrier anonyme mentionnant « dégage ou on te crève »… Le salarié en avait informé son employeur tout en lui indiquant qu’il « préconis[ait] le silence radio afin de tenter de faire sortir le loup du bois ».
Pour la Cour d’appel, la transmission de ce mail ne constituant pas une alerte donnée à l’employeur, elle a estimé que la faute inexcusable n’était pas de droit et qu’il incombait en conséquence au salarié victime de rapporter la preuve de la faute inexcusable.
Bien heureusement, la Cour de cassation a censuré le raisonnement de la Cour d’appel, en considérant que :
« En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la victime avait transmis à son employeur une lettre de menaces reçue dans un contexte de fortes tensions internes à l’entreprise, de sorte qu’elle avait signalé à celui-ci le risque d’agression auquel elle était exposée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés » 😊
Ainsi, pour que le régime de la faute inexcusable de droit s’applique, il suffit que le salarié ou son représentant du personnel ait informé son employeur du risque encouru avant l’accident, peu importe la forme de ce signalement. 👏
En tant que membre élu du CSE, nous ne pouvons que vous encourager à être attentif aux risques auxquels peuvent être exposés des salariés et à les porter à la connaissance de l’employeur, pour qu’il intervienne en amont et ainsi éviter la réalisation du risque !
Si le risque se réalise et que vous êtes victime d’un accident ou d’une maladie professionnelle, n’hésitez à nous contacter pour vous conseiller et défendre vos intérêts devant les juridictions ! 💪