Par un arrêt du 02 juin 2020, la Cour d’appel de Paris a jugé que l’ennui au travail, constitué par une mise au placard du salarié, peut relever du harcèlement moral (CA Paris, 02 juin 2020, n°18/0542).

A l’inverse du burn-out – syndrome d’épuisement professionnel dû à une surcharge de travail et de stress – le bore out, qu’on peut traduire en français par « ennui », est caractérisé par une dégradation des conditions de travail et de l’état de santé du.de la salarié.e en raison du manque de travail et, de fait, l’absence de satisfaction au travail.

Dans cette affaire, un salarié qui avait été embauché comme responsable des services généraux, s’est trouvé progressivement dépossédé de ses missions contractuelles, mis à l’écart, et il lui ne lui a été confié que des missions subalternes « d’homme à tout faire » sans lien avec sa qualification et ses attributions initiales.

Dans ces conditions, le salarié a été plongé dans un état de profonde dépression, et a finalement été licencié en raison des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise causées par ses absences maladie répétées.

Ce n’est pas la première fois qu’un salarié invoque en justice des faits de bore out, mais cette décision a le mérite d’utiliser des termes proches à cette notion et de reconnaître ainsi la gravité des effets de l’ennui au travail.

En effet, si dans sa décision, la Cour d’appel n’a pas employé précisément le terme de bore out, elle a en revanche utilisé des expressions synonymes telles « manque d’activité et ennui », ce qui permet de dire que cet arrêt s’inscrit dans la lignée jurisprudentielle de la reconnaissance du syndrome d’ennui au travail.

Constatant le retrait des tâches du salarié, l’ennui dans lequel il s’est trouvé, et les conséquences graves sur sa santé, les juges en ont déduit que le harcèlement moral était présumé. 

En définitive, le salarié a obtenu les sommes de 5000€ de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et 35 000€ pour licenciement nul (son licenciement étant dû à des faits de harcèlement moral) ! ?

La situation de bore out est encore quelque peu minimisée, car perçue comme moins grave qu’une situation de suractivité… Il s’agit malheureusement d’un lieu commun : par l’ennui, le salarié éprouve un sentiment de perte de sens de son travail, avec des conséquences dramatiques sur sa santé mentale. Espérons que la médiatisation de cet arrêt contribuera à alerter les consciences quant à la nocivité de l’ennui au travail.

Si vous pensez être victime d’une situation d’ennui au travail, dans un premier temps, il faudra vous rapprocher de vos représentants du personnel, qui pourront vous informer et agir auprès de l’employeur.

Si cette situation devient, à juste titre, insoutenable, et vous paraît sans solution :  nous vous recommandons d’abord de recueillir des preuves en ce sens (notamment des mails qui portent sur le retrait de vos tâches contractuelles), afin de pouvoir vous conseiller au mieux sur la stratégie à suivre pour quitter votre entreprise dans les meilleures conditions.